Lundi 27 Avril 2020
Cette question a longtemps constitué un serpent de mer pour les entreprises. Les fraudes à la note de frais sont nombreuses et la jurisprudence sanctionne régulièrement l’employeur qui ne rapporte par la réalité des frais engagés. Ce dernier risque de subir un redressement par l’URSSAF.
Cet article est une reprise de l’article publié dans les colonnes de l’Usine Digitale : Doit-on conserver sous forme papier les justificatifs des notes de frais ?, publié le 20 août 2019.

Cette question a longtemps constitué un serpent de mer pour les entreprises. Les fraudes à la note de frais sont nombreuses (notamment pour les entreprises dont les collaborateurs se déplacent souvent) et la jurisprudence sanctionne régulièrement l’employeur qui ne rapporte par la réalité des frais engagés. Ce dernier risque de subir un redressement par l’URSSAF.
Ainsi, parmi les multiples exemples jurisprudentiels qui démontrent ce besoin de prouver la réalité des frais engagés, la Cour d’Appel d’Amiens dans une décision du 25 février 2016 a considéré : « dans sa lettre du 23 novembre 2011, l'inspecteur de l'URSSAF a rappelé à la société cotisante qu'il avait sollicité les notes de frais, les photocopies des cartes grises des véhicules, les justificatifs de péages, ainsi que les factures d'entretien des dits véhicules mais qu'il n'avait reçu que des justificatifs partiels et qu'aucune réponse ne lui avait été fournie sur l'utilisation d'une carte de carburant. Il ne peut en effet être considéré que les relevés de frais produits pour les années 2009 et 2010 qui ne comportent que des renseignements succincts (dates, lieux, nombres de kilomètres) constituent des pièces justifiant suffisamment du caractère professionnel des frais kilométriques supplémentaires engagés par le dirigeant de l'entreprise avec son véhicule personnel.
Par conséquent, le redressement opéré doit être maintenu et il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ».
Les sanctions pécuniaires peuvent donc être conséquentes et les procédures de gestion des justificatifs, notamment des originaux, des notes de frais génèrent complexité et risques importants pour les entreprises.

La révolution induite par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 est venue introduire l’article L.243-16 du Code de la sécurité sociale. Il crée l’obligation pour les employeurs de conserver, pendant au moins 6 ans à compter de la date à laquelle ils ont été établis ou reçus, « les documents ou pièces justificatives nécessaires à l’établissement de l’assiette ou au contrôle des cotisations et contributions sociales ». Ces éléments peuvent être exigés dans le cadre d’un contrôle de l’URSSAF.
Le deuxième alinéa de cet article dispose que « Lorsque les documents ou pièces sont établis ou reçus sur support papier, ils peuvent être conservés sur support informatique ». En outre, les modalités de numérisation sont prévues dans un arrêté établi par le ministre chargé de la sécurité sociale. La gestion des justificatifs peut donc être désormais effectuée par voie électronique, ce qui peut constituer une avancée notable pour les entreprises tant à des fins comptables que fiscales.

Comment réaliser une numérisation probante ?

L’arrêté du 23 mai 2019 fixe les modalités de numérisation des pièces et documents établis ou reçus sur support papier. Il dispose en son article 1er que « Le transfert des pièces justificatives et documents établis originairement sur support papier vers un support informatique et l’archivage numérique sont réalisés dans les conditions et garanties prévues à l’article A. 102 B-2 du Livre des procédures fiscales ».
C’est une bonne nouvelle : ce renvoi à des dispositions existantes laisse présumer une meilleure opérationnalité. Cet article s’applique à la numérisation des factures papier. Dès lors, les mêmes causes produisent les mêmes effets et des interrogations communes se posent désormais.
Les justificatifs à l’appui des notes de frais doivent être strictement reproduits à l’identique de la copie originale, c’est-à-dire qu’il ne doit y avoir aucune modification, même mineure (pas de flou, pas de filtre, pas de recadrage, et pas de modification de couleurs, puisque les couleurs doivent être retranscrites à l’identique).
Les justificatifs numérisés doivent impérativement être enregistrés sous format PDF ou PDF A/3, et sans compression de fichier. Toutefois, si la compression est nécessaire, elle doit être effectuée sans perte de qualité (Art A.102 B-2 I, alinéa 3 LPF).
La numérisation des justificatifs des notes de frais doit être sécurisée au moyen :
  • d’un cachet serveur fondé sur un certificat conforme, au moins, au référentiel général de sécurité de niveau une étoile ;
  • d’une empreinte numérique ;
  • d’une signature électronique fondée sur un certificat conforme, au moins, au référentiel général de sécurité de niveau une étoile ;
  • ou de tout dispositif sécurisé équivalent fondé sur un certificat délivré par une autorité de certification figurant sur la liste de confiance française.
En outre, chaque fichier doit être horodaté, au moins au moyen d'une source d'horodatage interne, afin de dater les différentes opérations réalisées.

Quel archivage ?

L’archivage numérique peut être effectué par l’employeur ou par un tiers. Ces opérations doivent être définies selon une organisation documentée, faisant l’objet de contrôles internes, permettant d’assurer la disponibilité, la lisibilité et l’intégrité des documents ainsi numérisés pendant toute la durée de conservation. Pour ce faire, le recours à un prestataire de service d’archivage conforme aux différents référentiels existants (Norme Z42-013 ou Z 42-026, coffre fort numérique...) serait un avantage indéniable. Certains prestataires au sein de la Fédération des Tiers de Confiance comme COFFREO, CECURITY.COM ou XELIANS fournissent des solutions d’archivage particulièrement fiables et qui peuvent s’adapter à ce nouvel usage.

Notons ici que si la numérisation d’une pièce justificative ou d’un document ne respecte pas les exigences de l’arrêté du 23 mai 2019, l’employeur doit présenter l’original sous format papier sous peine d’être soumis à un redressement URSSAF. Dès lors, détruire les originaux papier des pièces justificatives des notes de frais OUI. Mais pas n’importe comment...


Pascal AGOSTI, Avocat associé, Docteur en droit
Caprioli & Associés, Société d’avocats membre du réseau JurisDéfi


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  • Ajouté : 27-04-2020
  • Modifié : 10-09-2020
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