Jeudi 15 Septembre 2022
Les professionnels peuvent se retrouver sur internet volontairement (site web, réseaux sociaux, référencement, …) ou à « l’insu de leur plein gré » sur des forums, des sites de comparaison, ou dans des avis de consommateurs diffusés « world wide ». Aujourd’hui, leur réputation se fait donc tant dans la « vraie vie » qu’en ligne. Dans ce dernier cas, la célérité et l’absence de maîtrise de la communication peuvent faire et défaire une réputation en un clic. Face à cette réalité, le droit constitue un outil stratégique qu’il faut savoir utiliser.

Les professionnels peuvent se retrouver sur Internet volontairement (site web, réseaux sociaux, référencement…) ou à "l’insu de leur plein gré" sur des forums, des sites de comparaison, ou dans des avis de consommateurs diffusés "world wide". Aujourd’hui, leur réputation se fait donc tant dans la "vraie vie" qu’en ligne. Dans ce dernier cas, la célérité et l’absence de maîtrise de la communication peuvent faire et défaire une réputation en un clic. Face à cette réalité, le droit constitue un outil stratégique qu’il faut savoir utiliser.

Le droit des marques et la gestion des noms de domaine à la rescousse des professionnels

D’abord, la bonne gestion de son e-réputation nécessite d’anticiper sa protection juridique. Il convient donc de commencer par le B.A-BA pour un professionnel, à savoir protéger tous les signes distinctifs qui le caractérisent, conformément aux possibilités offertes par le droit des marques et plus largement par le code de la propriété intellectuelle. De la sorte, le professionnel facilitera d’éventuelles futures actions, par exemple, contre des actes de contrefaçon susceptibles d’entacher sa réputation. Dans la même logique, la gestion des noms de domaine doit être rigoureuse afin de limiter notamment, les risques d’usurpation d’identité (acte sanctionné pénalement à l’article 226-4-1 du code pénal). En 2016, l’affaire "Groupe-Chantelle" a constitué une illustration topique de ce type de cas. En l’espèce, un tiers avait pu déposer le nom de domaine "Groupe-Chantelle" de la célèbre marque de dessous. Sans ouvrir de site internet, il avait utilisé les adresses mail à partir de ce nom de domaine pour adresser des factures à des partenaires de cette entreprise. A l’issue de la procédure conduite, le transfert du nom de domaine litigieux a été ordonné au bénéfice de la société historique. Mais en attendant, l’image donnée à ses partenaires a pu en pâtir … Protéger sa réputation passe ainsi notamment par la gestion dynamique de ses actifs, y compris les noms de domaine.

Une éthique juridique qui forge la e-réputation

Règlementation relative à la protection des données personnelles, code de la consommation, code du travail, code de commerce, règles professionnelles,… l’activité des professionnels est encadrée par le droit. Nonobstant le fait d’éviter des déboires administratifs et juridictionnels en cas de manquements aux obligations auxquelles ils sont soumis, le respect des dispositions juridiques applicables peut s’avérer une stratégie payante au regard de leur réputation. D’une part, l’éthique juridique s’inscrit dans la responsabilité sociétale des entreprises dont les lignes directrices ont été posées par la norme ISO 26000 de novembre 2010. D’autre part, le respect des règles de droit permet, en principe, d’éviter que des autorités administratives voire des juridictions prononcent des sanctions à l’encontre des personnes concernées. Or, la publicité de telles décisions peut, le cas échéant, entacher la réputation des professionnels condamnés. La CNIL, compétente pour connaître des manquements à la législation sur la protection des données personnelles, comme la DGCCRF, compétente en matière de protection des consommateurs, en ont bien conscience. C’est pourquoi elles n’hésitent pas à assortir les condamnations prononcées de leur publication comme la loi le leur permet. Fort de cette nouvelle acception du droit, gage d’éthique, le respect de la réglementation contribue également à la bonne réputation du professionnel. La consultation régulière voire systématique de son service juridique, par exemple sur des modifications de CGV ou de CGU, mais aussi sur des projets de nouveaux produits ou services, des ajouts de fonctionnalités ou de mentions sur le site, devrait ainsi faire partie des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour une gouvernance optimisée de sa réputation.

Une bonne gestion des avis de consommateurs

Appréhender sa réputation en ligne implique inévitablement de traiter la question des avis des consommateurs. Ces derniers revêtent une influence certaine, aussi bien au bénéfice qu’au détriment des professionnels. Les faux avis laissés par l’intéressé, un concurrent ou un consommateur putatif ou non, représentent ainsi un véritable risque pour le marché. Aux Etats-Unis, l’affaire récente de Amazon, victime de tromperie organisée en réseau dans le cadre de la publication de faux avis, en est une illustration. Pourtant, d’un point de vue juridique, la publication d’avis de consommateur est une pratique encadrée. Les obligations d’information du consommateur sont en effet renforcées par l’article L.111-7-2 du code de la consommation. Une "information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne" doit ainsi être assurée par "toute personne physique ou morale dont l'activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs". Les conditions à respecter et leur mise en œuvre sont précisées aux articles D.111-16 à D.111-19 du code de la consommation. S’ajoutent à ces obligations des dispositions spécifiques à la charge des opérateurs des grandes plateformes en ligne (L.111-7 et L.111-7-1 du code de la consommation).

Les deux derniers alinéas de l’article L.121-3 du code de la consommation, en vigueur depuis le 28 mai 2022, fait de ces informations des informations essentielles. Il s’ensuit que les manquements aux obligations posées peuvent constituer des pratiques commerciales trompeuses, interdites en application de l’article L.441-1 du code de la consommation. Ces fraudes sont lourdement sanctionnées aux articles L.454-1 à L.454-3 du code de la consommation par des peines d’emprisonnement et d’amende pouvant aller jusqu’à 7 ans et 750 000 euros.

En pratique, signalons l’existence de la norme ISO 20488 publiée en 2018 relative aux principes et exigences portant sur les processus de collecte, modération et publication des avis en ligne de consommateurs. Une certification des bonnes pratiques en la matière par le professionnel ou le tiers chargé de la gestion des avis (NF522) est ainsi possible, mais elle reste volontaire…et brille par son absence chez bon nombre d’opérateurs de grande plateforme.

En ce qui concerne les auteurs des avis, leur responsabilité pénale et/ou civile devra être appréhendée au cas par cas. A titre d’illustrations récentes, le tribunal judiciaire de Paris (17ème ch., 22/06/2022, Raimondi Immobilier c. Mme X) et le tribunal judiciaire d’Agen (12/07/2022, Abris France Soulagnet c. Mme le Procureur de la République et M. X) ont condamné les auteurs d’avis constitutifs de dénigrement publiés sur Google my business, en reconnaissant notamment le préjudice moral subi par les professionnels victimes. Mais il est important de noter que les faits concernés étaient antérieurs au 31 juillet 2021, date d’entrée en application de la nouvelle rédaction de l’article L.34-1 du code des postes et communications électroniques. Désormais, les possibilités pour les victimes d’avis négatifs de connaître l’identité des auteurs des avis sont en effet réduites aux besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, ou encore aux besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave (article L.34-1, §IIbis, III et IIIbis). Leurs actions civiles en réparation des dommages subis du fait des avis ayant porté atteinte à leur réputation sont ainsi impactées. Le cas échéant, si les contenus litigieux sont diffusés par un tiers (dont les opérateurs de plateformes), il restera aux victimes à leur demander de retirer les avis concernés, étant noté qu’une action judiciaire à cette fin pourra être nécessaire. La responsabilité du tiers pourrait néanmoins être mise en cause si la publication de l’avis litigieux résulte de manquements à ses obligations de collecte et de diffusion des avis telles que définies par le code de la consommation.

Enfin, il conviendra d’observer quel sera l’impact du Digital Service Act (DSA) sur le cadre juridique et la gouvernance de la réputation en ligne compte tenu des dispositions qui seront adoptées aux fins de protection des consommateurs et de transparence des plateformes en ligne.

De la même manière, les futures décisions rendues par les juges saisis de contentieux en la matière apporteront des éléments juridiques complémentaires aux professionnels pour défendre leur réputation, étant noté que selon Warren Buffett : "It takes 20 years to build a reputation and five minutes to ruin it. If you think about that, you'll do things differently." A bonne entendeur…

  • Anne Cantero, Avocat, Docteur en droit
  • Ilène Choukri, Avocat, Docteur en droit
  • Caprioli & Associés, Société d’avocats membre du réseau JurisDéfi

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  • Ajouté : 15-09-2022
  • Modifié : 25-09-2023
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  • Mots clés : #Réputation #Marque #Avis #DSA