Jeudi 21 Novembre 2013
Vente en ligne de médicaments : l’essor de la pharmacie numérique

Citation : Cabinet Caprioli & Associés, Vente en ligne de médicaments : l’essor de la pharmacie numérique, www.caprioli-avocats.com

Date de mise en ligne : 6 septembre 2013

Depuis l’ordonnance du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments (JO du 21 décembre 2012, p. 20182), les modalités relatives à la dispensation au public de médicaments via l’Internet se sont progressivement étoffées. Cette ordonnance a défini à l’article L. 5125-33 du Code de la Santé Publique (CSP) le commerce électronique de médicaments comme « l’activité économique par laquelle le pharmacien propose ou assure à distance et par voie électronique la vente au détail et la dispensation au public des médicaments à usage humain et, à cet effet, fournit des informations de santé en ligne ». Cette activité de commerce électronique doit être forcément réalisée par un pharmacien titulaire d’une officine ou disposant d’une délégation en ce sens. Ces derniers sont responsables du contenu du site internet qu’ils éditent et des conditions dans lesquelles cette activité est exercée (art. L. 5125-33)

L’ordonnance, complétée dans un premier temps par le décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments et à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet (JO du 1er janvier 2013, p. 74), prévoyait plusieurs limitations à la vente en ligne de médicaments comme par exemple l’interdiction de vendre sur le même site des médicaments et des articles de parapharmacie ; l’interdiction de proposer des tarifs plus attractifs qu’en officine… et opérait une distinction parmi les médicaments sans prescriptions, entre les médicaments de médication officinale et les autres. Mais suite à la Décision du Conseil d’Etat du 14 février 2013 sur la validité de l’article L5125-34 du code de la santé publique, (http://www.conseil-etat.fr/fr/communiques-de-presse/vente-de-medicaments-sur-internet.html) et à l’Avis du 15 mai 2013 : Vente en ligne de médicaments non soumis à prescription (reprenant l’avis n°12-A-23 du 13 décembre 2012) www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=482&id_article=2092, ces restrictions n’ont pas été reprises dans l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique (JO du 23 juin 2013, p. 10446).

Ainsi, désormais, les grandes lignes de la réglementation sont les suivantes :

- Les pharmaciens titulaires d’une licence peuvent exploiter un site internet, rédigé en langue française (§ 1.2) qui sera adossé forcément à ladite officine, laquelle doit être clairement identifiée sur le site (§ 1.1). Ainsi, en cas de fermeture de l’officine, le site sera lui aussi fermé.

Cette identification des sites, assortie de la création de liste de sites autorisés consultable sur le site de l’ordre des pharmaciens et vers le site du ministère chargé de la santé, a pour but de lutter contre le commerce de médicaments falsifiés qui représente environ 50% des ventes de médicaments par internet (Médicaments faux/faussement étiquetés/falsifiés/contrefaits, Aide-mémoire N°275, Mai 2012, http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs275/fr/).

- La création du site internet de commerce électronique de médicaments de l'officine de pharmacie est soumise à autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétente (Art. L. 5125-36 CSP).Ce dernier devra être informé des évolutions du site.

- Seuls peuvent faire l'objet de l'activité de commerce électronique les médicaments de médication officinale qui peuvent être présentés en accès direct au public en officine, ayant obtenu l'autorisation de mise sur le marché mentionnée à l'article L. 5121-8 ou un des enregistrements mentionnés aux articles L. 5121-13 et L. 5121-14-1 ;

- La sécurité informatique et organisationnelle est un élément essentiel pour ces sites. Par exemple, chaque Patient doit avoir accès à un espace privé intitulé « Mon Compte » dont les modalités d’ouverture et de gestion sont décrites dans l’§ 1.2. On notera à ce titre que l’identification de la personne concernée par les données de santé à caractère personnel doit être garantie (§ 4.1) en prévoyant – éventuellement – lors du premier référencement du patient – un code d’accès et l’attribution d’un certificat électronique.

De plus, il est recommandé au pharmacien d’élaborer un manuel qualité décrivant les moyens et procédures nécessaires pour le respect des bonnes pratiques de dispensation par voie électronique éventuellement mis à disposition de l’agence régionale de santé (§ 4.1).

En matière organisationnelle, le pharmacien devra mettre à disposition des Conditions générales de vente qui devront être opposables à chaque patient (§ 7.1).

- Des obligations d’ordre déontologique sont aussi mises à la charge des officines (comme les conditions entourant la publicité (§ 2.4), l’interdiction de la recherche de référencement dans des moteurs de recherche contre rémunération, la réglementation du contenu des lettres d’information, les conditions de la sous traitance, les règles relatives à l’attribution des noms de domaine, (§ 1.2)...).

- De plus, il faut noter qu’un même site peut désormais proposer des médicaments ainsi que des produits de parapharmacie à condition que ceux-ci soient accessibles dans un onglet distinct des médicaments.

- Le pharmacien fixe les prix dans le respect des dispositions du Code de la Santé Publique et du Code de commerce (§ 2.3). Il convient de déterminer si ces prix pourront être différents de ceux habituellement pratiqués au comptoir des officines comme le suggérait l’Autorité de la Concurrence Un alignement obligatoire des prix de vente sur Internet avec ceux pratiqués en officine serait contraire à la liberté des opérateurs de déterminer leur stratégie commerciale »).

- Pour éviter les abus, la quantité de médicaments commandés ne pourra excéder celle normalement prévu pour un mois de traitement (§ 3.2).

- Le pharmacien a une responsabilité accrue pendant la commande en ligne puisqu’il devra assurer personnellement la délivrance en contrôlant effectivement que le médicament délivré est bien celui commandé (§ 3.3.) et en garantissant l’envoi de la commande (§ 6.2) conformément à l’article L.5125-33 du CSP.

Par ailleurs, il faut souligner que les données personnelles traitées par les sites de dispensation par voie électronique étant relatives à l’état de santé des clients, sont considérées comme sensibles par la loi du 6 Janvier 1978 et font l’objet d’une protection renforcée (art.8). Les données collectées pourront être conservées pendant une durée de 3 ans (§ 4.2) .

Addendum :

Suite à l’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat (Ordonnance du 14 février 2013, JCP E 2013, act. 167) qui avait suspendu l’application de l’article L.5125-34 du code de santé publique qui restreignait l’activité de commerce électronique aux seuls « médicaments de médication officinale », le Conseil d’Etat, qui a statué sur le fond le 17 Juillet 2013, a définitivement annulé cette disposition. Le Conseil d’Etat indique ainsi que « L’article 7 de l’ordonnance du 19 décembre 2012 est annulé en tant que l’article L. 5125-34 qu’il insère dans le code de la santé publique ne limite pas aux seuls médicaments soumis à prescription obligatoire l’interdiction de faire l’objet de l’activité de commerce électronique. ».

Il a en effet estimé que la directive 2001/62/CE ne permet aux Etats membres d’exclure du champ de la commercialisation par voie électronique certains médicaments non soumis à prescription :

« 7. Considérant qu’il résulte du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en particulier de ses articles 70 à 72, que le droit de l’Union européenne ne distingue, en vue de l’autorisation de la mise sur le marché des médicaments, que deux catégories de médicaments, correspondant à ceux soumis à prescription médicale et à ceux non soumis à prescription ; qu’au sein de cette seconde catégorie, le droit français distingue certains médicaments dits de médication officinale, dont la liste est fixée, en application de l’article R. 5121-202 du code de la santé publique, par le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et que le pharmacien d’officine peut présenter en accès direct au public dans les conditions prévues à l’article R. 4235-55 du même code ; que l’inscription sur cette liste est effectuée sur demande du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou de la personne ayant procédé à l’enregistrement du médicament, après appréciation par le directeur général de l’agence des conditions mises par le code de la santé publique à cette inscription, qui tiennent, outre l’absence de soumission à prescription médicale, à l’adaptation du contenu du conditionnement à la posologie et à la durée de traitement recommandées et à l’absence d’interdiction ou de restriction en matière de publicité auprès du public en raison d’un risque possible pour la santé publique ;

8. Considérant qu’il résulte des dispositions du 1. de l’article 85 quater que la directive du 8 juin 2011 a insérées dans le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, reprenant la distinction résultant de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et notamment de son arrêt Deutscher Apothekerverband eV et DocMorris NV, Jacques Waterval, C-322/01 du 11 décembre 2003, que les Etats membres ne peuvent exclure de la vente à distance au public au moyen de services de la société de l’information que les médicaments soumis à prescription ; qu’ainsi, les dispositions de l’article L. 512534 du code de la santé publique excluant de la possibilité de la vente en ligne les médicaments non soumis à prescription qui ne sont pas inscrits sur la liste de médication officinale méconnaissent les objectifs de la directive ; que, par suite, M. L. et la SNC Jacques Benhaïm sont fondés à soutenir que l’article L. 5125-34 du code de la santé publique, en tant qu’il ne limite pas aux seuls médicaments soumis à prescription obligatoire l’interdiction de faire l’objet de l’activité de commerce électronique, est entaché d’illégalité ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre le même article, M. L. et la SNC Jacques Benhaïm sont fondés à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée dans cette mesure ; ».

Cette décision marque donc la fin de la distinction au sein des médicaments non soumis à prescription et permet désormais aux pharmacies de commercialiser par voie électronique l’ensemble des médicaments non soumis à prescription.

Liens utiles :

Arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique,

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=841FE9B4A40E80EADE2648A275D2E094.tpdjo05v_2?cidTexte=JORFTEXT000027592947&dateTexte=20130623

Conseil d’Etat, 17 juillet 2013, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 365317 :

http://legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000027724716&fastReqId=861502165&fastPos=1 http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000026807837&cidTexte=LEGITEXT000006072665


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