Mardi 21 Janvier 2014
Protection du secret d’affaires : une proposition de directive

La Commission européenne a dévoilé le 28 novembre 2013 une proposition de directive relative à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

Ce texte impose aux Etats membres de prendre des dispositions permettant aux détenteurs de secrets d’affaires d’obtenir des mesures, en cas d’obtention, d'utilisation ou de divulgation illicites d'un secret d'affaires (articles 3 et 5), secret qui est défini comme : « des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :

a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

b) elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ;

c) elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».

Bien que cette proposition de définition soit inspirée du traité de l’ADPIC du 15 avril 1994 (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) sur les « renseignements non divulgués » (article 39), elle devrait faire l’objet, si elle est transposée en l’état, de nombreuses interprétations par les juridictions sur certains aspects (notamment sur la notion d’information qui n’est « pas généralement connues » ou « aisément accessibles » ou encore une « disposition raisonnable » de protection).

Le texte prévoit dans son article 3 les cas où l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaire est illicite et retient comme conditions communes l’absence de consentement du titulaire du secret et le caractère intentionnel ou la négligence grave. A ces conditions communes s’ajoute une condition supplémentaire qui varie en fonction du manquement considéré (par exemple : l’accès non autorisé, le vol, l’acte de corruption, le non-respect d’un accord de confidentialité ou encore comportement contraire aux usages commerciaux honnêtes etc). Au titre de ces usages illicites, il est à signaler la production, la distribution et le stockage de produits réalisés à partir d’un secret d’affaire obtenu illicitement, appelés « produits en infraction » (articles 2 et 3).

A contrario, le texte reconnaît un certain nombre d’utilisation licite du secret d’affaire et notamment l’hypothèse de l’ingénérie inverse (article 4 : « de l'observation, de l'étude, du démontage ou du test d'un produit ou d'un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est licitement en possession de la personne qui obtient l'information »).

Les mesures que devront prendre les Etats semblent s’inspirer des mécanismes existant en droits de la propriété intellectuelle (mesures provisoires interdisant l’utilisation du secret ou la distribution de « produits en infraction », saisie conservatoire desdits produits etc.). Cependant, seule la voie civile semble envisagée (article 5), le texte ne faisant pas de référence à d’éventuelles sanctions pénales mais uniquement à la fixation de dommages et interêts (article 13). Toutefois, cette hypothèse n’est pas exclue étant donné que les Etats ont la possibilité d’opter pour un régime plus strict que le texte européen.

En tout état de cause, ces actions devront se préscrire au choix des Etats par un ou deux ans à compter de la date à laquelle le requérant a pris connaissance du dernier fait donnant lieu à l’action ou aurait du en prendre connaissance (article 7).

Par ailleurs, la proposition prévoit également dans son article 8 des mécanismes permettant d’assurer la protection du secret d’affaires dans le cadre de la procédure judiciaire (restriction d’accès aux audiences, aux documents produits, mise à disposition de versions non confidentielles des décisions etc.).

La reconnaissance d’une protection du secret d’affaires sera une première en France puisque notre système juridique ne dispose actuellement d’aucun texte reconnaissant une telle protection à proprement parlé, les tentatives du député Bernard Carayon de proposer une loi visant à ériger en infraction pénale la violation du secret d’affaires n’ayant pas abouti (dernièrement propositions de loi du 13 janvier 2011 et du 22 novembre 2011. Cette dernière proposition, adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale et transmise au Sénat, est restée sans suite). L’entreprise victime d’une atteinte ne peut donc actuellement s’appuyer que sur les textes tels que ceux relatifs à l’abus de confiance, le vol, l’escroquerie, l’intrusion dans un système d’information, la contrefaçon, la concurrence déloyale ou encore le parasitisme etc.

La directive devra être transposée dans un délai de deux ans à compter de sa date d’adoption.

Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites du 28 novembre 2013


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  • Ajouté : 21-01-2014
  • Modifié : 09-08-2017
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