Cela signifie que les entreprises n’auront plus à conserver le « double original » des factures de vente créées sous forme informatique et transmises sur support papier :
- soit en conservant un double papier de la facture transmise, ce qui suppose l’impression de deux documents : l’original de la facture destiné au client et son double papier qui doit être archivé par le fournisseur ;
- soit en conservant un « double électronique » de cette facture (§ 10 jusqu’au 30 juin 2018).
Du double original au transfert de la facture émise sous forme papier
Mais la fin de cette tolérance ne signifie pas pour autant la fin de la numérisation des factures émises sous forme papier. Bien au contraire. Le BOFIP précise :
« Ainsi, à compter du 1er juillet 2018, les factures papier émises (de vente) pourront être conservées sur support informatique en respectant les conditions mentionnées à l'article A. 102 B-2 du LPF ». Cet article doit être perçu comme une aubaine pour les entreprises puisqu’il indique :
« I. – Le transfert des factures établies originairement sur support papier vers un support informatique est réalisé dans des conditions garantissant leur reproduction à l'identique. Le résultat de cette numérisation est la copie conforme à l'original en image et en contenu.
Les couleurs sont reproduites à l'identique en cas de mise en place d'un code couleur. Les dispositifs de traitements sur l'image sont interdits.
En cas de recours à la compression de fichier, cette dernière doit s'opérer sans perte ».
Il est fait état d’un transfert et non d’une duplication de la facture, ce qui semble induire la possibilité de destruction des factures papier !
Peut-on détruire les factures d’origine sous forme papier ?
Tout d’abord, une précision : A aucun endroit du BOFIP du 7 février 2018, il n’est fait état de destruction des factures d’origine sous forme papier.
Pourtant le titre de cette chronique est loin d’être un simple moyen d’attirer l’attention de l’internaute mais traduit une réelle interrogation issue de la lecture du BOFIP et de son § 107
« La facture d'origine c'est à dire celle émise et transmise dans son format initial reste la pièce justificative pour la déduction de la TVA.
L'archivage numérique de cette facture est considéré comme la copie identique de cette facture et peut dès lors être considéré comme une pièce justificative valable pour la déduction de la TVA à la condition que les modalités de numérisation des factures papier fixées à l'article A. 102 B-2 du LPF sont respectées.
Ainsi, en application du 3° du I de l'article 286 du CGI et du troisième alinéa du I de l'article L. 102 B du LPF, la facture papier ainsi numérisée dans les conditions fixées à l'article A. 102 B-2 du LPF […] constitue une pièce justificative relative à des opérations ouvrant droit, d'un point de vue fiscal, à une déduction en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.
Dans l'hypothèse où le contribuable présente à l'administration une facture numérisée qui ne remplit pas ces conditions, ce dernier est alors tenu de la présenter sous forme papier.
Si le contribuable n'est plus en possession de la facture papier, l'administration n'est pas en mesure de s'assurer de l'authenticité de la facture conformément à l'article 289 du CGI. Concernant les conséquences de l'absence de facture, il convient de se reporter au I-A § 55 et suivants du BOI-TVADED-40-10-10 ».
Ce texte reconnaît donc expressément que la facture papier numérisée conformément à l’article A.102-B-2 du LPF constitue une pièce justificative au même titre que la facture d’origine. Mais attention, la facture en question doit être numérisée selon les modalités visées par cet article. Ainsi un simple scan de facture non scellé au sens de cet article et dont le processus de numérisation n’est pas documenté ne saurait valoir comme pièce justificative. A défaut, l’entreprise devrait produire la facture papier.
Concernant le cas où le contribuable n’est plus en possession de la facture papier, notamment s’il l’a détruit, le dernier paragraphe du § 107 est sujet à deux interprétations :
- Soit, c’est uniquement pour les factures mal numérisées du § précédent et dans ce cas-là, le scan de la facture n’est pas une pièce justificative et il est normal que l’Administration fiscale sanctionne le contribuable ;
- Soit, c’est pour toutes les factures numérisées et dans ce cas-là, quelle serait l’utilité de la fin de la tolérance du « double original » ?
Nous gageons que c’est la première interprétation – la plus cohérente avec les intérêts de la transformation digitale appelée des vœux par le
législateur et le pouvoir normatif avec la norme
Z 42-026– qui devrait être retenue et ainsi permettre – sous conditions (et documentations) – la destruction des factures papier. Il reste à voir comment mettre en œuvre ces procédés, notamment par rapport au traitement des couleurs des factures numérisées, comment les documenter et comment faire en sorte que l’Administration fiscale en reconnaisse la valeur.
Pascal AGOSTI
Avocat associé
Docteur en droit
Caprioli & Associés, Société d’avocats membre de JURISDEFI