Samedi 23 Mars 2013
Le régime juridique des bases de données

Actualité du régime juridique des bases de donnée Document en ligne, mars 2009 Caprioli & Associés

L'information est devenue une richesse pour toutes les organisations qu'elles soient privées ou publiques. Avec les technologies et les systèmes d'information, les organisations disposent de très nombreuses bases de données pour leur fonctionnement interne (ex: bases RH, clients) et externe (ex: bases en ligne payantes ou gratuites). Ces bases de données constituent ce que l'on peut appeler le patrimoine informationnel. Pour la valorisatiion de ces actifs immatériels, il était indispensable que la loi leur confère une protection spécifique qui a quelque peu évolué ...

PROPRIETE INTELLECTUELLE Citation : Caprioli & Associés, Le régime juridique des bases de données, www.caprioli-avocats.com Date de la mise à jour : Mars 2009 Le régime juridique des bases de données Caprioli & Associés contact@caprioli-avocats.com


Plan A/ PRESENTATION DE LA LOI DU 1ER JUILLET 1998 1°) Définition 2°) Objet et durée de la protection 3°) Titulaires des droits et droit de l'auteur 4°) Étendue de la protection 5°) Sanctions B/ APPLICATIONS JURISPRUDENTIELLES DE LA LOI 1°) Consécration du droit des producteurs de bases de données 2°) Sanctions des violations des droits des producteurs de bases de données


L’information est devenue une richesse pour toutes les organisations qu’elles soient privées ou publiques. Avec les technologies et les systèmes d’information, les organisations disposent de très nombreuses bases de données pour leur fonctionnement interne (ex : bases RH, clients) et externe (ex : bases en ligne payantes ou gratuites). Ces bases de données constituent ce que l’on peut appeler le patrimoine informationnel. Pour la valorisation de ces actifs immatériels, il était indispensable que la loi leur confère une protection spécifique. A/ PRESENTATION DE LA LOI DU 1ER JUILLET 1998 La loi du 1 er juillet 1998 relative à la protection des bases de données transpose dans le Code de la Propriété intellectuelle la directive européenne du 11 mars 1996. La première innovation majeure de cette harmonisation législative dans l'Union européenne est d'avoir conféré aux bases de données le statut de créations intellectuelles à part entière. Très souvent, les bases de données représentent des investissements financiers et professionnels importants pour la collecte, le traitement et le stockage des informations qu'elles contiennent. Les bases de données sont désormais susceptibles de bénéficier de la protection juridique du droit d'auteur, contrairement aux simples recueils d'informations. Mais la protection ne sera accordée que sous réserve de satisfaire à la condition classique d'originalité de l'œuvre ou bien qu’elle résulte d’un « investissement » du producteur de la base. 1°) Définition Une base de données se définit comme " un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen " conformément à l'article L. 112-3 du C.P.I. Cette définition englobe toutes les bases de données quelle que soient leur forme et leur support (électronique et papier). On peut en déduire que ne constituent pas des bases de données les œuvres audiovisuelles, littéraires et artistiques ou encore musicales, multimédia ou logicielles qui sont des œuvres en elles-mêmes. Ne sont donc inclus dans la nouvelle protection que les éléments nécessaires au fonctionnement ou à la consultation des bases de données (par exemple les thésaurus et les systèmes d'indexation). Ce qu'il nous semble important de relever, c'est la prise en considération de l'évolution technologique par le législateur : parmi les actes d'accès à cette création intellectuelle, les " moyens électroniques " sont expressément envisagés (ex : en ligne, CD-Rom et CD-I). Un jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 27 janvier 1998 (antérieur à la loi) avait retenu la contrefaçon d'une base de données et les agissements parasitaires du contrefacteur qui avait diffusé et reproduit l'œuvre sur son site Internet, en le condamnant à 150.000 francs et 250.000 francs de dommages et intérêts, respectivement sur ces deux fondements juridiques. 2°) Objet et durée de la protection Le dispositif prévoit deux systèmes de protection (cumulatifs) : celle issue du droit d'auteur classique pour les droits sur sa structure et son organisation, c'est à dire la base elle-même et outre les droits sur les œuvres contenues dans la base et une autre tirée d'un droit " sui generis " qui se superpose à la première. Cette seconde protection spécifique sui generis a été instituée afin d'assurer une meilleure défense des investissements " substantiels " réalisés par les producteurs qui rassemblent, sélectionnent, organisent les données contenues dans une base mais dont l'action ne pouvait être protégée par le droit d'auteur. Le nouveau régime juridique applicable aux bases de données comporte un effet rétroactif au 1er janvier 1983 pour les bases achevées depuis cette date et qui, au 2 juillet 1998, satisfont aux conditions requises par la loi, dans cette hypothèse, la protection commence à courir à compter du 1er janvier 1998 pour une durée de 15 ans. La protection court à compter de l'achèvement de la fabrication de la base et elle expire 15 ans après le 1 er janvier de l'année civile qui suit celle de l'achèvement (article L. 342-5, al. 1er du C.P.I). Toutefois, si la base de données protégée fait l'objet de nouveaux investissements (par exemple tel sera le cas des enrichissements apportés), une nouvelle durée de protection court pendant 15 ans après le 1er janvier de l'année civile suivant celle de ce nouvel investissement (article L. 342-5, al. 3, C.P.I.). De même, si la mise en exploitation de la base est différée, la protection commence à partir de la mise à disposition du public. 3°) Titulaires des droits et droit de l'auteur Si d'aventure, le créateur de la base était un salarié de l'entreprise, il convient de signaler que la loi ne prévoit pas de cession automatique des droits de celui-ci comme c'est le cas pour les logiciels (article L. 113- 9 C.P.I). Le salarié qui crée une base est le titulaire des droits de propriété intellectuelle. Cette solution a été justifiée lors des débats au Parlement par le fait que la plupart des bases de données sont des œuvres collectives (article L.113- 5 C.P.I.) qui appartiennent à la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle a été divulguée. Ainsi, l'entreprise devra donc se faire céder expressément les droits (contrat de cession, contrat de travail ou avenant). Comme toujours en droit d'auteur, l'œuvre protégée confère à son auteur des droits patrimoniaux (droit de représentation et de reproduction) et moraux. Or l'article L.122- 5 C.P.I. énumère des exceptions à l'exercice de ces droits (ex : la copie privée). C'est pourquoi, eu égard à la spécificité des bases de données l'article L. 122-5, 5° C.P.I. établit une dérogation au principe : "Lorsque l’œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (…) les actes nécessaires à l'accès au contenu d'une base de données électronique pour les besoins et dans les limites de l'utilisation prévue par contrat . " Cette interdiction ne sera donc pas transposable pour les bases de données non électroniques (copies ou reproductions à l'usage du copiste). 4°) Étendue de la protection La loi prévoit que le producteur de bases de données a le droit d’interdire l’extraction ou la réutilisation par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de sa base (article L.342-1 du C.P.I.). Il peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties non substantielles (article L.342-2 du CP,,I). Aux termes d’une décision de la 4 ème ch. de la CJCE en date du 9 octobre 2008 (aff. C-304/07, Directmedia publishing Gmbh c./ Albert Ludwigs Universität Freiburg), il a été décidé que le fait de reprendre des éléments d’une base de données protégée dans une autre base de données suite à une consultation de la dite base sur écran et d’une appréciation individuelle des éléments qu’elle contenait est susceptible d’être qualifié d’extraction (Com. Comm. Electr. Mars 2009, p.30-33, note C. Caron). L’article L.342-3 du C.P.I. prévoit des exceptions : le producteur ne peut interdire l’extraction ou la réutilisation de parties non substantielles, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, par la personne qui y a licitement accès, ou à des fins privées (pour les bases de données non électroniques) sous réserve du respect des droits d'auteur ou des droits voisins sur les oeuvres ou éléments incorporés dans la base, ou pour la consultation par des personnes handicapées ou à des fins pédagogiques ou de recherche (les deux dernières exceptions sont issues de la loi du 1 er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information). Dans le prolongement du principe de libre circulation des marchandises dans la communauté européenne, l'article L.342-4 du C.P.I. dispose que la première vente d'une copie matérielle dans un Etat membre, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans les autres États membres. 5°) Sanctions La sanction pénale énoncée dans la loi du 1 er juillet 1998 en cas d'atteinte aux droits des producteurs d'une base de données était une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende de 1.000.000 F pour les personnes physiques. Cette peine a été augmentée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité : l’article L.343-4 du C.P.I. condamne dorénavant les personnes physiques agissant seules à 3 ans d’emprisonnement et 300. 000 euros d’amende, et les personnes physiques agissant en bande organisée à 5 ans et 500.000 euros d’amende. Les peines sont doublées pour les récidivistes (article L.343-7 du C.P.I.), alors que pour les personnes morales, le taux de l'amende peut atteindre le quintuple. Ceci ne préjuge pas des sanctions civiles (dommages et intérêts) auxquelles les auteurs d'infractions pourraient se voir condamnés. En outre, la loi adjoint un dispositif de prévention en incluant les bases de données dans les cas d'ouverture de procédures de saisie-contrefaçon (article L. 332-4 du C.P.I.) ainsi qu'une autre action en cas d'atteinte aux droits du producteur d'une base de données (article L. 343-2 du C.P.I). B/ APPLICATIONS JURISPRUDENTIELLES DE LA LOI 1°) Consécration du droit des producteurs de bases de données L’article L.341-1 du C.P.I. exige, pour l’application du droit sui generis, un « investissement financier, matériel ou humain substantiel » du producteur concernant « la constitution, la vérification ou la présentation » du contenu de la base. Dans trois arrêts du 9 novembre 2004, la CJCE a mis en pratique et précisé les critères d’appréciation de cet investissement substantiel, en application de l’article 7.1 de la directive du 11 mars 1996 (dont l’article L.341-1 est la transposition). Les investissements à prendre en compte sont ceux liés à l’obtention du contenu de la base (à savoir les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement), à la vérification du contenu en vue d’assurer la fiabilité de l’information, et à sa présentation (son agencement et de l’organisation de son accessibilité). La Cour a précisé que les investissements liés à la création des éléments de la base ne sont pas à prendre en compte. En France, les juges appliquent ces critères, comme le montre une affaire du TGI de Strasbourg du 22 juillet 2003, dans laquelle une société avait diffusé sur Internet le contenu d’une base de données alors qu’elle était seulement autorisée à l’utiliser pour ses propres besoins. Le juge a estimé que la création d’un fichier organisé regroupant de nombreuses informations sur la totalité des communes françaises a nécessité un investissement substantiel. Pour l’appréciation du caractère substantiel, le juge énonce qu’il n’y a pas lieu de rechercher les investissements lors de la création de la base, ce qui est conforme à la jurisprudence de la CJCE.

Le critère de l’investissement substantiel peut parfois être retenu assez facilement, comme dans une affaire du TGI de Paris du 25 avril 2003 , où l’exploitation illicite portait sur l’utilisation par un syndicat de l’entreprise Sonacotra d’une base de données regroupant des courriels de salariés. Même si « les dépenses générées par la base de données sont difficilement séparables de celles liées à l’installation et au fonctionnement de la messagerie », le juge considère qu’il y a eu un « investissement financier et humain substantiel », notamment en raison des mises à jour régulières de la base. La preuve de l’investissement substantiel a été constituée par les factures globales de création du système de messagerie dont la base de données ne représente qu’une partie, ce qui démontre que le critère de l’investissement a été apprécié plutôt largement. 2°) Les sanctions des violations des droits du producteur de bases de donnés Outre les sanctions pénales précitées, le juge peut décider d’octroyer des dommages et intérêts à la partie civile pour le préjudice subi, dont les montants ne sont pas négligeables, à l’image des affaires suivantes. Dans une ordonnance de référé du 18 juin 2008, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à la société IIEESS de cesser la diffusion d’un logiciel qui extrayait de manière automatique des données du site www.société.com. Le tribunal a considéré que le site Société.com bénéficiait de la qualité de producteur de base de données au sens de l’article L.341-1 du C.P.I (celui qui « atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel »). Le tribunal a jugé que le logiciel donnait accès à une partie substantielle de la base de données, ce qui est une violation de l’article L.342-1 du C.P.I. Par conséquent, il a ordonné à IIEESS de cesser, sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée, la diffusion du logiciel litigieux, et de communiquer à SOCIETE les chiffres de facturation du logiciel depuis sa mise en vente. Par un jugement du 20 juin 2007, le TGI de Paris a interdit à ETURF l’extraction d’une partie substantielle de la base de données Infocentre du PMU. Le PMU avait constitué une base de données en ligne, réunissant des informations hippiques sur les courses françaises pour les parieurs. Il reprochait à ETURF de procéder à l’extraction illicite du contenu de sa base de données, et de réutiliser les données extraites à des fins commerciales. ETURF contestait la qualité de producteur de base de données au PMU et disait ne pas avoir procédé à une extraction et une réutilisation massive des données. Le tribunal a considéré que le PMU avait bien la qualité de producteur de base de données, étant donné les lourds investissements engagés et les risques pris, et que les données systématiquement extraites et réutilisées par ETURF portaient effectivement sur des informations essentielles à son activité. Par conséquent, ETURF a été condamnée à payer au PMU la somme de 120.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, pour s’être livrée à une extraction et à une réutilisation d’une partie qualitativement substantielle de la base de données du PMU, pratique interdite par l’article L.342-1 du C,P,I. Le tribunal de commerce de Paris, dans un jugement du 8 décembre 2006, a condamné l’extraction d’une partie quantitativement substantielle du contenu d’une base de données. En l’espèce, la société MOTOR PRESSE FRANCE avait créé une base de données des terrains de camping situés en France, l’avait commercialisée à l’aide d’une publication et l’avait également exploitée sur un site Internet. Elle a ensuite découvert que Jean Marc R.-M. avait également ouvert un site Internet regroupant un annuaire des campings français reprenant le contenu de sa base, c’est pourquoi elle a saisi le tribunal. Il a été jugé que la société MOTOR PRESSE FRANCE était bien productrice de la base de données qu’elle exploite, au sens de l’article L.341-1 CPI, et que Jean Marc R.-M. avait porté atteinte à ses droits en procédant à l’extraction d’une quantité substantielle du contenu de sa base de données. Celui-ci a été condamné à verser 30.000 € de dommages et intérêts à la société MOTOR PRESSE FRANCE pour le préjudice subi. Depuis la promulgation de la loi, on peut constater que la jurisprudence commence à s’étoffer et qu’il est désormais nécessaire d’en assurer une veille juridique régulière afin de bénéficier de la plénitude de la protection conférée par le droit, ce qui ne dispense pas les organisations de se doter de moyens de protection de leurs bases de données par le biais de mesures de sécurité.


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  • Ajouté : 23-03-2013
  • Modifié : 24-11-2013
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