Jeudi 06 Août 2009
Marchés publics et signature électronique

Citation : Anne CANTERO, Marchés publics et signature électronique, www.caprioli-avocats.com Première publication : La lettre informatique et collectivités locales, 26 mai(I) et 10 juin (II) 2003. Date de la mise à jour : mai 2003. Par Anne Cantéro, Docteur en droit contact@caprioli-avocats.com


Plan I/ Le décret du 30 avril 2002 et la signature électronique A) La signature électronique et la procédure d'informations par voie électronique B) La signature électronique des offres et candidatures transmises par voie électronique II/ Signature électronique et enchères électroniques Conclusion


Suite à l'adoption des textes relatifs à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics, certaines administrations centrales et locales organisent peu à peu les échanges visés par voie électronique. Quelle est la place des signatures électroniques dans ces procédures ? Quels procédés sont concernés ? Le 7 mars 2001, le principe de la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics a été introduit dans le code des marchés publics (décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, article 56). Le décret n° 2001-846 du 18 septembre 2001 et le décret n° 2002-692 du 30 avril 2002 pris en application de l'article 56 du code des marchés publics posent les conditions et modalités de la transmission par voie électronique des informations, des offres et des candidatures. Ces deux textes font référence dans leurs visas aux articles 1316 à 1316-4 du code civil ainsi qu'au décret du 30 mars 2001 relatif à la signature électronique. D'un point de vue juridique, il est intéressant de relever que ces textes ont été adoptés en matière probatoire pour le droit judiciaire. Or, lorsque le pouvoir réglementaire pose les règles quant au besoin d'identification des parties pour la passation des marchés publics, on se situe sur le terrain de la légalité. Cela signifie que dès lors que les textes visent expressément les conditions ou les procédés retenus dans les articles du code civil, ils en font des conditions de légalité de la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics. En conséquence, à défaut de respect, la procédure sera entachée d'illégalité et pourra encourir l'annulation. Néanmoins, les exigences relatives à l'intégrité des écrits sous forme électronique et la fonction d'identification de la personne auteur de l'acte divergent selon le degré de sécurité recherché et nécessaire. Sous le seul angle des signatures électroniques dans les procédures de passation des marchés publics, il convient donc d'étudier les différentes phases concernées. Pour ce faire, l'analyse des procédures visées dans le décret du 30 avril 2002 (1ère partie) précédera celle des enchères électroniques inversées posées par le décret du 18 septembre 2001 (2ème partie).

I/ Le décret du 30 avril 2002 et la signature électronique A) La signature électronique et la procédure d'informations par voie électronique En ce qui concerne l'article 56, 1° du code des marchés publics, (c'est à dire la mise à disposition des entreprises par voie électronique du règlement de la consultation, de la lettre de consultation, du cahier des charges, des documents et des renseignements complémentaires), l'article 2 du décret du 30 avril 2002 prévoit que les modalités d'accès doivent être précisées dans l'avis d'appel public à la concurrence. La consultation et l'archivage de ces documents doivent être possibles. Concernant plus précisément l'identification des parties, il convient de distinguer les acheteurs publics des entreprises intéressées. 1°) Pour les acheteurs publics Dans le cadre des appels d'offres ouverts, a priori, le recours à un procédé de signature électronique n'apparaît pas imposé à l'article 2 du décret du 30 avril 2002. En conséquence, l'avis d'appel d'offre n'aura pas à être signé électroniquement. Par analogie, on peut relever que tel est également le cas dans le contexte (papier ?) où les appels d'offre ne sont pas signés par les responsables des marchés publics. Néanmoins, la mise à disposition de tels documents sous forme électronique commandent certaines précautions. Le responsable devra ainsi protéger le document contre toute altération (par exemple en le diffusant sous le format pdf) et s'assurer que la mise à disposition remplit les conditions formelles de publications, notamment quant à son origine, son accès et sa disponibilité. Aux termes de l'article 2 du décret du 30 avril 2002, lorsqu'il s'agit d'appels d'offres fermés (c'est à dire dans le cas des procédures de mise en concurrence simplifiée), d'appels d'offres restreint ou de procédure négociée, le recours à un procédé de signature électronique de la lettre de consultation adressée par l'acheteur aux personnes intéressées ne semble pas obligatoire. Du point de vue de la légalité, la signature électronique de cette lettre n'est donc pas imposée. Néanmoins, dans un souci probatoire, l'utilisation d'un procédé fiable de signature (qui garantira l'identification du signataire et le lien entre la signature et l'acte auquel elle s'attache conformément à la définition de la signature électronique donnée à l'article 1316-4, alinéa 2 du code civil), voire l'utilisation d'un procédé dont la fiabilité est présumée au sens du décret du 30 mars 2001, (c'est à dire un procédé de signature électronique reposant sur un outil de création certifié et un certificat électronique qualifié) apportent la sécurité juridique nécessaire en cas de litige. Leur utilisation ne peut ainsi qu'être fortement préconisée. 2°) Pour les candidats dans le cadre des appels d'offres fermés L'article 2 du décret du 30 avril 2002 prévoit notamment que les candidats invités à présenter une offre dans le cadre d'une mise en concurrence simplifiée, d'un appel d'offres restreint ou d'une procédure négociée, doivent " fournir le nom de l'organisme, le nom de la personne physique téléchargeant les documents et une adresse permettant de façon certaine une correspondance électronique assortie d'une procédure d'accusé de réception. " Cette disposition ne vise pas expressément la signature électronique pour le téléchargement des documents concernés par les personnes intéressées. Néanmoins, les termes " de façon certaine " soulèvent, en pratique, des interrogations. Ainsi, comment apprécier la fiabilité des procédés mis en place pour répondre à ces exigences ? Quels critères doivent-ils remplir ? Jusqu'à ce jour aucune réponse n'a été formellement apportée. A défaut, la pratique (l'état de l'art) et les décisions des juridictions éventuellement saisies sur ces points permettront d'apprécier progressivement la portée de ces termes.

B) La signature électronique des offres et candidatures transmises par voie électronique L'article 3 du décret du 30 avril 2002 précise que la décision portant acceptation de la transmission par voie électronique des offres et candidatures ainsi que ses modalités doivent être mentionnées dans l'avis d'appel public ou dans la lettre de consultation. Pour autant, le responsable du marché public ne jouit pas d'une totale liberté en la matière. D'abord, à compter de 2005, il ne pourra plus être interdit de communiquer les offres et candidatures par voie électronique en application de l'article 56, 2° du code des marchés publics. Ensuite, l'article 3 du décret du 30 avril 2002 fixe les conditions que doit remplir la transmission par voie électronique. Seuls les aspects relatifs à l'identification des auteurs des offres et à l'intégrité des écrits sont retenus en cet endroit. Plus particulièrement, en ce qui concerne l'identification des candidats, les conditions sont expressément posées, si ce n'est dans le procédé à retenir, au moins au regard des exigences fonctionnelles que ce procédé doit garantir. Ainsi, l'alinéa 2 de l'article 3 dispose : " Les candidatures et les offres transmises par voie électronique doivent être envoyées dans des conditions qui permettent d'authentifier la signature du candidat selon les exigences posées aux articles 1316 à 1316-4 du code civil " Ce texte appelle deux remarques. Premièrement, alors que cette disposition traite des conditions permettant d'authentifier la signature du candidat, les articles 1316 à 1316-4 du code civil sont visés. Or, ces textes ont une portée plus large puisqu'il s'agit à la fois de l'écrit (preuve littérale) et de la signature. Les exigences concernent donc à la fois l'écrit et la signature électroniques. Ceci s'explique notamment par le fait que l'écrit sous forme électronique, comme l'écrit papier, doit être signé pour constituer une preuve parfaite en droit civil. C'est la signature électronique telle que définie à l'article 1316-4, alinéa 2 du code civil qui permet d'apprécier que l'écrit électronique remplit les conditions posées à l'article 1316-1 du code civil. Les renvois de l'article 3 du décret du 30 avril 2002 à ces articles conduisent ainsi à affirmer que les deux fonctions suivantes doivent être remplies. D'une part, le procédé doit permettre l'identification dûment établie de la personne dont l'acte émane ; ce qui induit une vérification. D'autre part, et cumulativement, le procédé doit garantir le lien entre la signature et l'acte auquel elle s'attache. Il s'agit ici des fonctions de non-dénégation et d'intégrité de l'acte, exigences posées aux termes de l'article 1316-4, alinéa 2 du code civil. En conséquence, le procédé technique " d'authentification " de la signature doit remplir ces fonctions juridiques pour être légalement admis. Deuxièmement, il convient de relever que l'article 1316-4, alinéa 2 du code civil distingue entre les procédés de signature électronique ne bénéficiant pas d'une présomption de fiabilité et les procédés qui remplissent les conditions posées par le décret du 30 mars 2001 et qui bénéficient d'une présomption de fiabilité (dispositif réglementaire complété par le décret du 18 avril 2002 et l'arrêté du 31 mai 2002). Cette deuxième catégorie correspond aux signatures électroniques sécurisées ou signatures électroniques avancées au sens de la directive du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Ce dernier texte précise d'ailleurs en son considérant 23 et son article 3, §7 que les signatures électroniques en question s'appliquent au secteur public sauf dérogation motivée, transparente, proportionnée et non discriminatoire prévue par l'État membre au niveau national. La question qui se pose alors est la suivante. Faut-il une signature électronique ou une signature électronique sécurisée pour répondre aux exigences légales ? La réponse doit être nuancée. L'alinéa 3 de l'article 3 précise que les candidats " mettent en place des procédures permettant à la personne responsable du marché de s'assurer que les candidatures et les offres sont signées et transmises par la personne habilitée. " Dans le contexte électronique, il faut donc que le procédé mis en place par le candidat permette la vérification de l'habilitation juridique du signataire par l'acheteur. La signature électronique sécurisée non seulement permet une telle vérification mais garantit au demeurant que la personne inscrite dans le certificat dispose bien de ladite habilitation du fait des mentions inscrites dans le certificat qualifié joint à la signature électronique. En revanche, les procédés de signature électronique " simple " ne le permettent. De plus, dans ce dernier cas, il appartiendra à la personne qui l'a mis en place d'en démontrer la fiabilité en cas de litige. Ce qui ne sera pas aisé. A priori, il semblerait donc que le procédé de signature électronique sécurisée réponde de façon adéquate aux exigences du pouvoir réglementaire en matière de transmission des offres et candidatures par voie électronique. Mais la discussion demeure ouverte, faute de mention exprès du texte. D'ailleurs, la proposition modifiée de directive européenne (relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, de services et de travaux) a écarté l'amendement qui tendait à rejeter les offres ou candidatures des candidats qui n'étaient pas signées par une signature électronique avancée au sens de la directive du 13 décembre 1999 (proposition du 6 mai 2002, COM(2002) 236 final, amendement 73, p. 50). La Commission considère en effet que les techniques évoluent. Il s'ensuit qu'il ne faut pas enfermer les textes en visant des procédés particuliers, sauf à devoir modifier souvent les textes, ce qui n'est pas souhaitable. Il est nécessaire en revanche de raisonner par équivalent fonctionnel. Compte tenu de ces observations, si l'on peut affirmer qu'il faut une signature électronique (au sens de l'article 1316-4, alinéa 2 du code civil) pour les offres et candidatures transmises par voie électronique, en revanche, dès lors que les procédés utilisés rempliront les exigences imposées, ils devront être réputés recevables ; à charge, en cas de litige, aux intéressés de prouver la fiabilité des procédés utilisés à la différence des procédés de signature électronique sécurisée visés par le décret du 30 mars 2001. Au demeurant, dans le cas où les documents sont trop volumineux, il est certain que seules les signatures électroniques sécurisées permettront le double envoi en application de l'article 4 du décret du 30 avril 2002 qui y fait expressément référence. De la sorte, seules ces signatures seront recevables. A défaut, la procédure serait entachée d'illégalité. Ceci étant précisé, l'article 7 du décret du 30 avril 2002 précise que les frais de recours à la signature électronique sont à la charge de chaque candidat.

Marchés publics et signature électronique (II)

II/ Signature électronique et enchères électroniques En ce qui concerne les signatures électroniques, aucune disposition du décret du 18 septembre 2001 pris en application de l'article 56, 3° et relatif aux enchères électroniques ne vise ni même ne mentionne expressément l'utilisation de signatures électroniques et a fortiori de signature électronique sécurisée. Il ressort de ce constat que le recours à la signature électronique ne semble pas imposé comme une condition de légalité dans les enchères électroniques. Néanmoins, il convient de relever que ce texte fait référence dans ses visas au code civil (notamment ses articles 1316 à 1316-4) et au décret du 30 mars 2001. De plus, son article 7, alinéa 2 précise que les candidats "mettent en place des procédures permettant à la personne publique de s'assurer que les offres de prix sont transmises par la personne habilitée. Le candidat ne peut révoquer ces offres." Il s'ensuit aussi bien les acheteurs publics que les candidats doivent s'assurer que le procédé électronique de transmission leur offre des garanties : au regard de l'identification du signataire, de l'intégrité de l'écrit et du lien entre l'écrit signé et la personne dont il est censé émaner. Les procédés de signature électronique basés sur la cryptologie à clé publique et a fortiori les signatures électroniques sécurisées répondent à ces attentes. C'est pour cette raison que même si le texte ne mentionne pas expressément les signatures électroniques mais y fait référence dans ses visas, il ne peut être que fortement recommandé d'avoir recours à ce type de procédé.

CONCLUSION La signature électronique et a fortiori la signature électronique sécurisée ne sont pas obligatoires de bout en bout dans le cadre des procédures de passation des marchés publics par voie électronique. Néanmoins, d'un point de vue de la légalité, le recours à la signature électronique pour les offres et candidatures s'impose en application du décret du 30 avril 2002 pris en application du 2° de l'article 56 du code des marchés publics et la signature électronique sécurisée est obligatoire lorsque les documents sont trop volumineux conformément à l'article 4 de ce même décret. Enfin, d'une façon plus générale dès lors que les dispositions réglementaires tant pour les procédures de passation classiques des marchés publics que pour les enchères électroniques fixent des conditions portant sur l'intégrité des écrits sous forme électronique échangés ainsi que des exigences de sécurité quant à l'identification des signataires et l'imputabilité des actes transmis, les signatures électroniques répondent de façon adéquate à ces légitimes attentes. D'un point de vue probatoire, il ne peut être que fortement recommandé d'avoir recours aux procédés de signature électronique sécurisée tels que visés par le décret du 30 mars 2001 et le décret du 18 avril 2002. Ceci étant, la signature électronique ne constitue que l'un des aspects de la légalité des procédures de passation des marchés publics par voie électronique. La transposition de certaines formalités dans le contexte électronique reste à parfaire et la mise en place d'un horodatage électronique sécurisé doit s'imposer. La dématérialisation des procédures de passation des marchés publics n'est donc pas encore aboutie dans tous ses aspects, mais elle est en cours.


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  • Ajouté : 06-08-2009
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