Samedi 09 Novembre 2013
L'archivage électronique : de la dématérialisation à la politique d'archivage, l'omniprésence du droit

Citation : Eric A. Caprioli, L'archivage électronique : de la dématérialisation à la politique d'archivage, l'omniprésence du droit, https://www.caprioli-avocats.com Date de la mise à jour : novembre 2008 L'archivage électronique : de la dématérialisation à la politique d'archivage, l'omniprésence du droit Eric A. Caprioli, Avocat à la Cour, vice-Président de la FNTC Caprioli & Associés contact@caprioli-avocats.com


Rappeler l’importance de la dématérialisation dans les pages de ce magazine tient lieu de l’évidence tant ses lecteurs sont déjà peu ou prou confrontés à sa mise en œuvre pratique (chefs de projet, directeurs généraux, directeurs ressources humaines, DSI…). On peut noter que l’établissement d’un écrit (qu’il s’agisse de l’original d’un écrit électronique ou de la copie numérisée d’un écrit papier) est régulièrement décrite dans les textes législatifs ou réglementaires (loi du 13 mars 2000 par exemple), au contraire de la phase de conservation desdits écrits. Pourtant, elle est tout autant essentielle à une entreprise. En effet, à quoi servirait d’établir un contrat par voie électronique si elle ne prenait pas les mesures nécessaires pour assurer leur conservation ? Il existe un lien de stricte dépendance qui unit le droit (contenu du contrat) à sa preuve (écrit sous forme électronique). Le système probatoire français s’organise autour de deux concepts : la preuve libre et la preuve légale. La preuve libre – valable en matière commerciale ou dans le domaine administratif, signifie que tous les moyens de preuve (témoignages, commencements de preuve, …) seront recevables par le juge en cas de litige. La preuve légale, quant à elle, vise les hypothèses pour lesquelles la loi impose certains moyens de preuve comme un écrit, signé le plus souvent. Ainsi, l’article 1341 du Code civil impose de recourir à un écrit signé pour tout acte sous seing privé (acte qui n’est pas conclu devant un officier ministériel) dont le montant est supérieur à 1.500 euros. En cas de besoin (litige notamment), l’entreprise doit pouvoir arguer d’une preuve et notamment d’un écrit signé. La preuve est essentielle en droit car toute prétention juridique passe par une exigence de justification des droits. En ce sens, l’entreprise aura intérêt à mettre en place un système d’archivage électronique sécurisé pour l’ensemble de ses documents. L’archivage électronique peut être défini comme « l’ensemble des actions, outils et méthodes mises en œuvre pour conserver à moyen ou long terme des informations dans le but de les exploiter.»[1]. Une autre définition, propre aux seules personnes publiques ou privées gérant un service public, se trouve à l'article L. 211-1 du Code du patrimoine qui dispose que l'archivage est la conservation de « l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité.». La difficulté majeure de l’archivage électronique réside dans l’absence de règles uniformes de conservation. Ainsi, la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et de la communication et relative à la signature électronique[2] intègre les écrits sous forme électronique dans le système probatoire légal français. Désormais, l’article 1316-1 du Code civil affirme l’équivalence de force probante entre les écrits sous forme papier et les écrits sous forme électronique. La preuve littérale sous forme électronique est admise à une double condition : l'identification de l’auteur à qui l'acte est imputé et la garantie de son intégrité dans le temps. Les conditions propres à son établissement y sont donc posées. De plus, bien que le principe de la conservation soit inscrit dans la loi, aucune modalité d’archivage (hormis le respect de cette intégrité) n’y est détaillée. De plus, lorsqu’un écrit est requis à des fins de validité pour un acte (ex : offre préalable de crédit…), l’article 1108-1 du Code civil renvoie aux articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil en ce qui concerne les conditions à respecter. Ces actes devront être établis et conservés dans les mêmes conditions que celles exigées en matière de preuve des actes sous forme électronique. De plus, l’archivage électronique ne doit pas se limiter au seul écrit mais doit prendre en compte l’ensemble des éléments qui participent à la légalité du document. L’ordonnance du 16 juin 2005 relative à l’accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique[3] a précisé les conditions dans lesquelles certaines formes exigées à titre de validité des actes juridiques (par exemple : LRAR, formulaire de rétractation) peuvent être dématérialisées. Pour les commandes en ligne (écrits non signés), l’article L.134-2 du Code de la consommation[4] dispose que « lorsque le contrat est conclu par voie électronique et qu'il porte sur une somme égale ou supérieure à un montant fixé par décret, le contractant professionnel assure la conservation de l'écrit qui le constate pendant un délai déterminé par ce même décret et en garantit à tout moment l'accès à son cocontractant si celui-ci en fait la demande. » Cet article met à la charge du professionnel une obligation de conserver le contrat conclu par voie électronique avec un consommateur. Le décret n° 2005-137 du 16 février 2005[5] a également fixé le montant à 120 euros et le délai à dix ans à compter de la conclusion du contrat lorsque la livraison du bien ou l'exécution de la prestation est immédiate. Le cocontractant professionnel doit en outre garantir l’accès et donc la copie à son cocontractant, à tout moment, si celui-ci formule une demande en ce sens. Comme exposé, le cadre juridique propre à l’archivage électronique pose des exigences disparates en termes de contenu (documents à archiver), de durées de conservation… En effet, les durées sont très variables selon les domaines concernés. En France, la durée de conservation de droit commun en droit civil est de 30 ans. Toutefois, il existe de nombreuses exceptions pouvant réduire la durée jusqu’à 6 mois[6]. Il faut noter qu’un même document peut être soumis à des durées de conservation différentes selon le domaine juridique concerné. En ce qui concerne les actes authentiques électroniques, l’archivage électronique doit respecter la durée de conservation de ces écrits, c’est-à-dire une durée illimitée. On comprend donc l’importance pour une entreprise de mettre en place une méthodologie, une stratégie propre à l’archivage des documents. Cet archivage peut être effectué en interne (politique d’archivage interne) ou par un tiers : le tiers archiveur. En tous les cas, l’entreprise devra dresser un état des besoins prenant en compte les dimensions juridique, organisationnelle et technique. Cette phase visera à identifier le régime juridique des différents documents archivés par l’entreprise et de leur finalité juridique ou de gestion (courriers électroniques, actes juridiques, conditions générales, photos, plans, états de comptes bancaires, numérisation de documents papier …). Une fois ces exigences clairement précisées, une politique d’archivage permettra de définir les rôles et obligations de chaque acteur intervenant dans le domaine d’archivage. Elle définit les procédures à respecter en termes de procédures et outils permettant de garantir la traçabilité des actions effectuées sur les documents archivés. La réalisation d’audit est également conseillée. La mise en place d’une politique d’archivage n’est cependant pas une obligation juridique. Mais, en détaillant les conditions de sécurité de l’archivage, ce document assurera au mieux sa fiabilité et permettra d’en rapporter la preuve devant les juges et les experts. En outre, la Politique d’archivage doit être adaptée à la structure de l’entreprise. De ce fait, elle devra être rédigée en fonction des autres documents de l’entreprise qu’il s’agisse de la politique de sécurité de l’entreprise (surtout les grandes entreprises), la politique de gestion de preuve (pour assurer la preuve de la validité de l’écrit dans le temps), les contrats de travail, les contrats avec les prestataires, ou les chartes d’utilisation des outils informatiques ; elle doit donc être cohérente avec la politique générale de l’entreprise. Une politique d’archivage ne peut être standard… Elle risquerait de ne pas apporter le degré de sécurité suffisant pour l’entreprise qui y est sujette.

Notes [1] Définition du Dictionnaire du multimédia, AFNOR 1995. [2]JO 14 mars 2000, p. 3968 [3]Ordonnance 2005-274 du 16 juin 2005, JO 17 juin 2005, p. 1002 ; www.caprioli-avocats.com [4]Cet article est issu de l’article 27 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004. [5]J.O n° 41 du 18 février 2005, p. 2780. [6]Voir notamment art. 2272 du Code civil


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  • Ajouté : 09-11-2013
  • Modifié : 24-11-2013
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