Samedi 02 Mars 2013
La brevetabilité des logiciels et des méthodes commerciales pour l'internet

Citation : Caprioli & Associés, La brevetabilité des logiciels et des méthodes commerciales pour l'Internet, https://www.caprioli-avocats.com Date de la mise à jour : juin 2003 La brevetabilité des logiciels et des méthodes commerciales pour l'internet Caprioli & Associés contact@caprioli-avocats.com


Plan Contexte Règles applicables De nouveaux risques ?


Contexte La diffusion et l'utilisation des programmes d'ordinateurs en ligne connaissent un développement sans précédent de par le monde. A titre d'illustration, nous citerons les contrats d'Application Service Providers (A.S.P.) qui permettent l'utilisation à distance de logiciel et progiciels, sans avoir à acheter une licence, tout en bénéficiant des nouvelles versions. L'avènement de la société de l'information emporte des conséquences importantes sur le plan du droit de la propriété industrielle, et plus spécialement en matière de droit des brevets d'invention. Dans ce domaine, les logiciels sont traditionnellement exclus de la brevetabilité. Pourtant, le brevet constitue un instrument stratégique pour les entreprises qui s'expriment en termes de concurrence, de protection de marchés existant, d'ouverture de nouveaux marchés et qui génèrent le paiement de redevances/royalties au profit de son titulaire. Il contribue également à la veille technologique et à l'intelligence économique de l'entreprise. Par ailleurs, à la fin du siècle dernier (1995-2000), on a pu lire dans la presse l'acceptation, par l'Office des Brevets des États-Unis, de brevets portant sur des procédés et des méthodes commerciales dans le domaine du commerce électronique en ligne. Les exemples les plus célèbres sont le " one- click " d'Amazon.com et le " reverse auction " de la société Priceline.com. A la vérité, il y a peu de domaines qui ne soient affectés par cette lame de fond : l'anonymisation des " butineurs " sur le web ou de leurs paiements, les images " *.gif " brevetée par Unisys et qui figurent dans la plupart des pages web, le format " pdf " (Portable Document Format) propriété d'Adobe. Tous les " business models ", plus ou moins nouveaux et innovants comme le brevet sur l'aide en ligne actionnée par une touche du clavier, sont protégeables outre-atlantique alors que sur le vieux continent une position de principe semble prévaloir. Si une réponse négative est de mise au sein de la doctrine académique, la pratique de conseils en brevets d'invention s'oriente de plus en plus vers le dépôt de telles " inventions ". Un projet de directive européenne sur la brevetabilité des logiciels a été soumis aux États, elle a été suivie d'une consultation publique et d'une Conférence diplomatique pour la révision de la Convention sur la délivrance du brevet européen (novembre 2000). Le résultat a consisté au blocage de la révision du Traité de Munich. Le Gouvernement français a demandé deux avis : l'un à la Commission des technologies, l'autre à un groupe interministériel, afin de faire connaître sa position à la Commission. Il semblerait que l'on s'oriente dans le sens de la brevetabilité " encadrée " des logiciels à l'instar des États-Unis et du Japon, mais de façon plus modérée. Il faudra toujours que l'on continue de respecter les trois conditions essentielles du droit du brevet : nouveauté, activité inventive et application industrielle. Toutefois, une pareille entreprise ne sera pas aisée en matière de logiciels. Pour ce qui touche aux méthodes commerciales, il semble se dégager un large consensus, tant en France qu'au niveau européen, pour refuser leur brevetabilité. Entre temps, un premier pas vers la brevetabilité des logiciels a été réalisé sous l'influence d'une jurisprudence majoritaire. La Commission européenne a présenté le 20 novembre 2002, sa proposition de directive " concernant la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur ". Ce texte est l'aboutissement des consultations entamées depuis plus de 3 ans. Le débat est ouvert, la controverse est vive entre les tenants et les opposants de la brevetabilité. Même parmi les industriels du secteur du logiciel (éditeurs, SSII), les avis divergent selon la taille de l'entreprise, selon que l'on est ou non partisan des logiciels libres. Par delà la théorie des brevets, ce sont des enjeux économiques majeurs qui sont en cause. Sur le plan strictement juridique, il conviendra d'apporter quelques éléments de réflexion aux deux questions suivantes : Quelles sont les règles juridiques qui régissent ces questions en droit français et en droit communautaire ? Est-ce que des risques découlent d'une telle adaptation ? Règles applicables L'article 52 de la Convention de Munich sur la délivrance des brevets européens dispose que " les brevets européens sont délivrés pour les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptible d'application industrielle " et que les programmes d'ordinateur " en tant que tels " c'est à dire en tant que code source ou encore en tant que logiciel " brut " sont exclus de la brevetabilité. Pourtant, dans le domaine du logiciel et malgré cette exclusion de principe, l'O.E.B. aurait déjà accordé plus de 30000 brevets, en les présentant comme des " procédés techniques ". En effet, les chambres de recours de l'O.E.B. ont jugé que les inventions mises en œuvre par ordinateur peuvent être considérées comme brevetables lorsqu'elles présentent un caractère technique c'est à dire lorsqu'elles appartiennent à un domaine technique et produisent un effet technique. De telles inventions ne sont pas exclues car elles ne sont pas considérées comme étant liées aux programmes en tant que tels. La proposition de directive de la Commission européenne suit les principes établis par la Convention sur le brevet et reprend l'interprétation qui en a été faite par l'O.E.B. Elle choisit de codifier l'exigence d'une contribution technique. Pour qu'une invention soit brevetable, elle doit non seulement présenter un caractère technique, mais également apporter une contribution technique, à l'état de la technique. En droit français, le logiciel n'est pas en principe brevetable. En effet, depuis la transposition de la directive de 1991 relative à la protection juridique des programmes d'ordinateur, par la loi du 10 mai 1994, le logiciel est protégé par le droit d'auteur. Il résulte de l'article L112-2 du C.P.I. que " Sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : (…) les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ". La protection du logiciel par le droit d'auteur ne s'étend pas à tous les éléments qui le composent. Se trouvent ainsi incluses dans la protection du logiciel la programmation, les spécifications externes du logiciel et la documentation de conception relative au logiciel. La protection est aussi accordée aux logiciels inachevés, la forme dans laquelle le logiciel apparaît à l'écran et les fontes (sous certains conditions). Le code source tout comme le code objet sont protégés par le droit d'auteur. Cependant, la protection est exclue pour la documentation d'utilisation, le cahier de charges, les structures de données, les algorithmes qui sont considérés comme des idées, la spécification des interfaces (en principe), les langages de programmation, les fonctionnalités. Ceux-ci peuvent bénéficier d'autres modes de protection (ex : par la concurrence déloyale). De nouveaux risques ? Certains ont fait valoir que l'instauration d'une nouvelle protection entraînerait une forte croissance des litiges juridiques et judiciaires à l'image de ce qui existe déjà aux États-Unis. En effet, l'expérience montre que tout excès de juridicisation des procédures de protection des droits a pour conséquence inévitable la multiplication des conflits juridiques. D'autant que les logiciels font déjà l'objet d'une protection, sans formalité préalable, par le droit de la propriété intellectuelle. Au surplus, on risquerait de voir apparaître des conflits entre les droits des logiciels protégés par le brevet et ceux protégés par le droit d'auteur à la fois sur le fond, dans le temps (le droit d'auteur accorde la protection pendant 70 ans après la mort de l'auteur, alors qu'avec le brevet la protection est accordée pendant 20 ans à compter de son dépôt, non renouvelable) et dans l'espace (conflits entre les différentes conventions en concours). De plus, un double régime de protection risque de créer des coûts financiers supplémentaires, avec l'obligation de rechercher (et d'analyser) les antériorités, sans garantie juridique et avec un aléa très important du fait de l'absence de bases de données générales sur les logiciels existants. D'autres estiment que ce nouveau droit de brevetabilité risquerait de porter atteinte à la concurrence et au marché, sans pour autant favoriser la recherche et le développement des innovations au contraire. Par ailleurs, la rapidité des évolutions technologiques, d'apparition de nouveaux standards suscitent un doute quant à la durée de protection par le brevet qui est payante. Un logiciel risque d'être dépassé rapidement ; est-ce qu'un brevet sur une V.1 sera toujours pertinent pour la V.5 alors que l'ensemble des fonctionnalités a changé ? Ceci explique sans doute pourquoi bon nombre d'entreprises (et certaines administrations) est favorable à la création et à l'exploitation des logiciels libres en dehors du brevet ; étant précisé que le logiciel libre reste couvert par le droit d'auteur.


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  • Ajouté : 02-03-2013
  • Modifié : 24-11-2013
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